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Posts Tagged ‘Busan’


   Quand j’ai mis pour la première fois les pieds à Busan, grande ville portuaire dans la région de Gyeongsangdo, je ne parlais pas encore coréen et ne pouvais donc pas différencier les accents. C’est, une fois de plus, à travers le cinéma que j’ai « évolué » : les acteurs de « 친구 » (« Chingu », trad : « Friends »), qui se déroule à Busan, m’ont immédiatement saisie par les tonalités avec lesquelles ils s’expriment. Il faut savoir que Busan est une grande ville de cinéma (nous en parlerons dans un futur article).  Si elle aurait Marseille pour « jumelle » française, elle a largement plus de… « gueule ». Evidemment, dans l’esprit des gens de la lointaine capitale (Seoul et Paris), une ville portuaire de province suscite toujours un certain dédain. Le cinéma permet de lui restituer sa grandeur, sa beauté, sa force. Et de propager son langage.

   사투리 (« saturi ») signifie « patois ». Le parler de Gyeongsangdo peut très vite devenir incompréhensible à l’oreille d’un Seoulite, ce qui en fait donc davantage un patois qu’un accent. Comme le Marseillais, c’est un franc-parler, qui fait plus de vagues dans la phrase (je ne suis pas linguiste, hein, je fais comme je peux pour expliquer), qui sonne plus exclamatif, plus dense, plus appuyé, plus traînant… et assez rauque, surtout lorsqu’il s’agit d’un film de gangsters.

(Merci à l’ami Busanais qui a montré ce film à la fan de saturi que je suis ^-^ Dans cet extrait le personnage principal, que l’on voit prendre le téléphone, a pris le numéro de l’ex de sa copine pour lui dire d’arrêter de harceler celle-ci. S’ensuit une conversation assez marrante entre les deux voix qui essaient de clamer leur virilité bien « busanienne »… Puis notre héros, qui se fait un peu dépasser par les événements, tombe par chance sur la sorte de « milice étudiante » de son lycée, dont il fait partie, pour lui venir en aide… C’est sans sous-titres, ça force à se concentrer sur l’accent ahaha)

   On remarque dans ce genre de films que la capacité à rendre sa voix rocailleuse va de paire avec la hiérarchie : le big boss ou le plus salopard est toujours celui qui « grince » le plus. Dès que deux voyoux Busanais se font face, l’affrontement est physiologique avant d’être physique : le torse est bombé, les poings crispés mais la tête nonchalante, basculée vers l’arrière pour jauger son adversaire, les yeux s’écarquillent et semble sortir de leurs orbites (sans rouler, la fixité est plus efficace), le ton monte et la voix… s’éraille. Mais cela dépend des personnes, bien sûr (déjà entre hommes et femmes, les accents varient).

   Le « saturi » fait également très souvent fi des honorifiques normalement utilisés en coréen. On utilisera généralement une sorte de tutoiement, même envers ses parents (ce qui est plutôt étonnant pour des Coréens).

   L’exemple le plus courant donné par mes amis pour me faire différencier le parler de Gyeongsangdo avec le parler de Gyeonggido (région de Seoul), c’était au sujet de la nourriture (ben voyons, on est en Corée…) : « Tu as mangé ? » se dit d’un ton très « gentil » à Seoul et plus « brusque » à Busan. La différence ne se joue pas seulement au vocabulaire (les gens de Gyeongsando utilisent un langage plus vulgaire), mais vraiment à l’intonation de la fin de la phrase.  C’est assez intraduisible et plus efficacement compréhensible à l’oral (mais qu’est-ce qui m’a pris d’écrire un article sur le saturi..? -_-).

Je vous conseille de voir ces quelques autres films afin de vous faire l’oreille :

  

(Ci-dessus : « Friends », « Love », « Haewoondae »)

   Beaucoup trouvent des similitudes de ton dans le saturi de Gyeongsangdo et le japonais. C’est pertinent vu les aléas de l’Histoire, la proximité géographique et les échanges réguliers entre le port de Busan avec ceux du Japon.

   Il ne vous reste plus qu’à aller à Busan, ou à chercher des amis Busanais. Ils seront heureux de voir que vous vous y connaissez un peu, et que vous les priez de vous parler dans leur patois natal (alors que celui-ci peut amener les gens à se moquer d’eux, comme quand un Marseillais débarque à Paris quoi…)

   J’ai entendu souvent des hommes de Seoul se sentir en rivalité avec des Busanais. Mais ils apprécient les Busanaises, dont l’accent est (je cite) « mignon ».

   L’homme de Gyeongsangdo (enquête réalisée auprès d’amies Coréennes et expérimentée moi-même sur le terrain…) est essentiellement macho, certes, mais drôle. Sa voix grave dégage quelque chose de très sexy. Il se moque un peu de sa copine, mais il est très protecteur. Il préfère les actes que la parole. Il est bronzé (bah ouais, ça compte !) et il sait nager (contrairement aux gens des autres villes qui, bien souvent, ne se baignent qu’avec des bouées, nous en reparlerons). Puisque son père l’a sûrement emmené régulièrement à la pêche depuis son enfance, il peut toujours attraper du poisson pour faire vivre votre foyer en temps de crise. Par contre il risquera d’aller se saoûler la gueule (comme tout Coréen qui se respecte, de toute façon) avec ses petits copains et de vous rabrouer sévèrement si vous essayez de l’en empêcher… mais « this is the game », comme dirait l’autre. Parce que d’un autre côté, si votre Busanais est célèbre dans les bars et les restaus, vous mangez gratuitement quand vous l’accompagnez… ^^ Après, je ne sais pas ce que ça vaut après le mariage, je n’ai pas (encore) essayé.

Le petit truc en plus : si vous combinez « oppa » et « saturi », c’est vraiment cool. Laissez agir le charme solaire, naturel, fou, dynamique, d’un Oppa de Gyeongsangdo en chair et en os ^_^

PS : les accents des autres régions sont sûrement très intéressants aussi… Je marque juste ici mon coup de coeur pour Gyeongsangdo.

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Ville portuaire de 부산 (Pusan ou Busan), septembre 2009.

Dans la rue, on croise parfois des choses insolites…

Cette légèreté, cette nonchalance bienheureuse… il y a comme un air de famille avec le personnage de « Navet » dans le film « Le château ambulant » de Hayao Miyazaki… ^^’

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